Les petits fonds font les grands fromages (Article et Vidéo)

On 27 février 2010
Christophe Col et Johanne Dupuis rêvaient de monter une chèvrerie en Wallonie. Ils avaient l’expérience, mais pas les fonds. Histoire d’un montage financier astucieux qui a transformé leur rêve en réalité.

FINANcité : Comment vous y êtes-vous pris pour racheter la ferme de la Baillerie ?

Christophe Col : Notre projet était de monter une chèvrerie nous permettant d’écouler nos produits en circuit court, afin de pouvoir maîtriser à la fois la production, la transformation et la commercialisation. Sans cela, il est très difficile pour un agriculteur de vivre de son métier. La vente de matières premières n’est pas assez rentable. Nous cherchions donc un lieu pas trop isolé pour rendre possible ce type de commercialisation. Cependant, en Wallonie, les terres comme les bâtiments sont chers. Surtout les petites fermes ! Après 3 ou 4 ans, l’opportunité de racheter la Baillerie s’est présentée. Le bâtiment était dans un état lamentable. Nous étions surtout intéressés par les terres, c’est pourquoi nous nous sommes associés à quatre autres ménages intéressés par l’acquisition d’un logement à rénover à un prix abordable, dans un cadre verdoyant. Nous avons donc combiné le projet d’un habitat groupé à celui de notre chèvrerie. Cette dernière est gérée par une coopérative de production.

FINANcité : Pourquoi vous fallait-il du terrain ?

CC : Il ne s’agit pas de pâturages mais de terres agricoles où nous cultivons la nourriture des chèvres, afin de pouvoir fonctionner en autonomie. L’élevage extensif n’est pas viable économiquement parlant : quand les chèvres broutent, elles sélectionnent leur nourriture au point, parfois, de ne plus produire de lait. Nous les élevons donc en étable en leur procurant une nourriture sélectionnée. D’un autre côté, l’achat des intrants n’est pas seulement onéreux pour l’éleveur, c’est une ruine pour la planète. Les tourteaux de soja importés en Europe appauvrissent les sols d’où ils sont extraits et nécessitent des transports coûteux en énergie. Quant au lisier, on ne sait plus où le mettre.

FINANcité : Et l’achat de ces terres, comment l’avez-vous financé ?

CC : comme nous n’avions pas la mise de fonds nécessaire pour acheter les 10 ha proposés à la vente, des membres de la famille ont acheté 6 ha et ont contracté avec nous un bail à ferme. Restait à financer l’acquisition des 4 ha restants. Nous sommes allés voir deux banques spécialisées dans ce type de projet. En vain. Nous nous sommes alors tournés vers Crédal, qui nous a prêté 25 000 €. Pour rembourser cet emprunt, nous avons créé une coopérative foncière, « Terre de la Baillerie », et proposé des parts de coopérateurs (150 € la part) dans notre entourage. À ce stade, le nombre de coopérateurs nécessaire est presque atteint.

FINANcité : Vous avez donc créé deux coopératives différentes ?

CC : La coopérative de production est la propriété des chevilles ouvrières du projet : trois travailleurs et deux « experts » garants du respect des critères définis pour ce projet, visant une agriculture durable et des produits de qualité. Nous ne voulions pas prendre le risque de mettre ce projet en péril en ouvrant la coopérative à un grand nombre de coopérateurs, à partir du moment où un homme égale une voix. Notre expérience de 10 ans de travail à la chèvrerie De Levende Aarde à Alken (Limbourg) nous a appris les limites et les possibilités de cette structure juridique. Quand on veut assurer à la fois la production, la transformation et la commercialisation, on ne peut travailler seul. Il faut une équipe, constituée de partenaires extrêmement motivés et impliqués car ce travail est très exigeant : 7 jours sur 7, 24 h sur 24 et pas de congés avant des années ! J’en ai vu passer des jeunes agronomes à Alken, qui se dégonflaient après 6 mois. Pour tenir dans la durée, il faut une association de personnes de confiance. Par contre, pour la coopérative foncière, nous avons joué le jeu de l’ouverture, d’une part pour des raisons financières, et d’autre part pour permettre au voisinage et aux clients d’avoir leur mot à dire. Il y a beaucoup à faire sur le plan pédagogique, mais nous n’en sommes pas encore là, nous voilà occupés à repaver la cour et notre habitation est en plein chantier !

FINANcité : Vous avez dit « circuit court » ?

CC : En effet, nous transformons nous-mêmes nos 60 000 litres annuels de lait de chèvre et vendons nos fromages et yaourts dans un rayon de 18 km, principalement sur les marchés du Brabant wallon. Il y a aussi une échoppe à la ferme à Bousval. Clients curieux bienvenus !

 

P.-S.

http://www.financite.be/documents-ecosocdoc,fr,11,3,2,1,1751.html

Merci au GAC de Nivelles qui s’en fait l’écho : http://gacnivelles.over-blog.com/article-la-baillerie-on-the-web-une-video-et-un-article-41424022.html

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